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The Twelve labors of Manfield Park


Galerie Portefoin, Paris 2018

Faïence émaillée


Douze assiettes en faïence émaillées représentent les scènes du roman Mansfield Park de Jane Austen, à la différence qu’un personnage à l’allure herculéene (qui pourrait aussi être l’artiste) y incarne Fanny Price.

Toutes les histoires de Jane Austen commencent sans ambages par la description précise du transfert de capitaux qu’engendre le mariage. Tant pis pour ceux qui sont bernés par la joliesse de la gentry de l’ère géorgienne ; n’y voyant comme Mr William Collins qu’un roman à l’eau de rose, ou pour ainsi dire trop efféminé.

Mansfield Park a pour héroïne Fanny Price, dont le nom connote le sexe et l’argent. C’est l’héroïne la plus pauvre de l’oeuvre de Jane Austen. On y suit la transition de classe qu’elle effectue. Publié en 1814, le monde occidental est en pleine transition. Celle des classes que le capitalisme industriel balbutiant apporte (le violent conflit social du luddisme a lieu entre 1811 et 1812, et dont le leader est représenté avec des vêtements féminins). Celle des territoires qui se re-dessinent, séparant plus encore la ville de la ruralité (qu’illustre dans le roman la difficile amitié entre Fanny et les Crawford, des londoniens sophistiqués). Celle de l’exclusion des femmes de la vie publique depuis l’édiction du Code Civil napoléonien en 1804, malgré les espoirs portés par la révolution française. Mais aussi du lent combat de l’abolition de esclavage (le roman faisant allusion à l’affaire Somersett de 1772 rendu précisément par le comte de Mansfield, ainsi qu’à sa nièce, fille par adoption, noire, Dido Elizabeth Belle, que Jane Austen a rencontrée).

La violence de tous ces conflits ne prend pas pour décor la grande peinture d’histoire mais plutôt de genre. Les héros ne sont plus les hommes conquérants, mais ici Fanny Price, qui endure avec intelligence et résistance les humiliations liées à son genre et à sa classe, et qui parvient à son émancipation. La figure du héros par excellence que représente Hercule est souvent réduite à cet archétype du masculin. La société du XIXe siècle jusqu’à nos jours en limitera les représentations, effaçant de ses sujets le mythe de sa relation avec Omphale, plus ambigu, apprécié encore jusqu’au XVIIIe siècle. Y figure, entre autres, sous les pinceaux de Gentileschi et Rubens, un Hercule alangui drapé de soie et de bijoux, maniant la quenouille et l’aiguille, et une Omphale tenant le gourdin, debout, avec la peau de lion. D’esclave acheté par la celle-ci, c’est non pas sur le champ de bataille mais dans l’assignation au privé, le travail domestique, sexuel et psychologique qu’il aura à éprouver son héroïsme.

C’est dans ces récits en transition, du roman à la fanfiction (et sa pratique du cross-over ou de la Mary-Sue), que la décontextualisation devient un outil critique, parfois érotique ou comique mais aussi politique. Ces jeux d’identification et d’amitiés permettent des solidarités qui dépassent la chronologie.


Compositions florales : Galerie Portefoin
Tableau en arrière plan : Hercule et Omphale, Artemisia Gentileschi

Arthur Gillet
54 rue de Turbigo 75003 Paris
+33 6 49 82 24 14
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