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Feelinger


Happening à la galerie Daniel Malingue, Paris, 2019

Performance, tissus mixtes peints,


    Feelinger se compose de cinq vêtements en tissus peints et assemblés, qui reprennent dans leurs doublures des extraits de correspondances entre Charles Filiger et ses proches. Ces archives ont échappé à la destruction commise par sa famille vers 1928 du fait de son homosexualité ouvertement assumée. Les motifs qui viennent les recouvrir sont empruntés à son vocabulaire pictural reformulé en fonction d’extraits de ces lettres. Ces vêtements accentuent dans leurs motifs la perméabilité entre l’oeuvre et la vie de l’artiste. Bien qu’encensé par Antoine de la Rochefoucauld, Alfred Jarry, Joséphin Péladan, Charles Chassé et André Breton, l’artiste ne sera présenté que dans trois expositions : « Filiger L’inconnu » (Strasbourg, 1989), « Charles Filiger-André Breton : à la recherche de l'art magique » (Musée des beaux-arts de Quimper 2006), puis « Charles Filiger » (Galerie Danièle Malingue, 2019).

    Les extraits choisis témoignent d’une condition homosexuelle aux problématiques et à la sensibilité atemporelles. Ils expliquent aussi l’évolution des choix plastiques de l’artiste. Son homosexualité est pourtant reléguée à une pudeur bien spécifique encore en 2019. À la manière d’un kimono, le vêtement devient un support pictural confondant le motif et la narration personnelle ou collective. Le Japon n’est par ailleurs pas étranger à Filiger, contemporain des nouvelles pratiques artistiques que ce pays provoque en France. De même ma génération découvre le manga permettant un requestionnement esthétique et politique, notamment sur le genre et les sexualités. Ce qui m’a poussé depuis l’enfance à explorer la peinture sur soie et la couture. Ces vêtements sont réalisés dans l’espace domestique grâce à des encres sans solvants réleguées aux “loisirs créatifs”, en écho aux cartons coloriés que Charles Filiger créait sans atelier ni argent. Ces pièces textiles embrassent le corps comme espace irréductible d’expression et d’exposition.

    Ils sont portés avec quatre amis, le 27 mars 2019 à l’occasion d’une visite du vernissage de l’exposition « Charles Filiger » à la galerie Daniel Malingue. L’exposition a permis la réunion de nombreuses oeuvres pourtant disséminées, mais reste discrète sur l’homosexualité de l’artiste. Au bout de quelques minutes le galeriste est intervenu pour nous demander de quitter l’exposition, nous proposant de revenir un autre jour moins fréquenté en nous promettant qu’il resterait du champagne.


« il avait eu d’ailleurs une aventure qui avait failli lui coûter la vie. On l’avait trouvé inanimé sur le pavé ».

Ces propos de Paul-Emile Colin sont rapportés par Charles Chassé. Ce dernier n’hésite pas à comparer Filiger à Verlaine en précisant de « singulières histoires de moeurs ». Une agression liée à ses relations l’amène à délaisser Paris en se réfugiant au Pouldu où il y pratique le cloisonnisme et la synthèse. 
« Gauguin prenait sa guitare, Filiger sa mandoline. De cette mandoline, Filiger jouait avec beaucoup de sentiment, mais c’était un son presque imperceptible ; il jouait pour lui ».

Paul-Émile Colin perçoit la mélancolie et la solitude de Charles Filiger, dus certainement à son homosexualité.
« La tentation vint à nous (…) Quelque chose de grave faillit arriver ».

Jan Verkade fait état d’une relation intense puis du rejet qu’il finit par manifester envers Charles Filiger. Qui deviendra de plus en plus violent. Jan Verkade se fera moine après leur relation.

« Les idées de Drathmann tendaient peut-être à son insu, à célébrer la peinture comme une déesse à qui on pense nuit et jour, pour qui, du moins de temps à autre, on travaille jusqu’à épuisement, pour qui on accepte de mourir de faim, de veiller et de s’éreinter, et qui, en retour, donne le privilège de se livrer à toutes sortes de désordres, de débauches réelles et de vilenies dissimulées sous l’apparence de la vertu, telles que de traiter de suicide… » .

Jan Verkade est témoin de l’addiction à l’éther de Charles Filiger, et de ses pensées suicidaires.
« Mes mains ont comme peur de toucher au rêve »

Propos de Charles Filiger
Arthur Gillet
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