Performance commentée par Pascal Rousseau, Palais de Tokyo, Paris, 2019
Performance, tissus mixtes peints et cousus, eau.
Pascal Rousseau donne un cycle de conférences sur l’oeuvre de Marcel Duchamp. Il aborde en premier lieu le poncif qui veut que le spectateur fasse par son regard l’oeuvre d’art. Je suis à côté du conférencier, face à une bassine remplie d’eau avec une pile de vêtements en tissus que j’ai peints puis cousus. Comme face à un miroir, Pascal Rousseau inverse le processus Duchampien : et si c’était l’oeuvre qui faisait le spectateur ?
Grâce à cette installation, je reviens sur mon parcours de transition, sur lequel je peux désormais poser des mots. Je revisite les dessins que je produisais enfant dans la solitude de ma chambre, impacté fortement l’androgynie angélique des peintures dans l’église où j’accompagnais ma grand-mère, et des manga à la télévision où des personnages ambigus semblaient se transformer dans une apothéose tout aussi mystique et euphorique (Sailor Moon, Shojo Kakumei Utena). Ma grand-mère m’ayant transmis le goût du dessin, de la couture et de la peinture sur soie, j’appliquais adolescent ces techniques dans les concours de cosplay (déguisement en personnage fictif) des conventions de manga que je fréquentais, et qui m’ont permis dans un premier temps d’incarner en public des personnages féminins, avant d’avoir pu l’affirmer dans ma vie quotidienne. Ce travail reprend la pratique du Transition goal, c’est-à-dire de projets de transition de genre en dessins auto-figuratifs et anticipatifs désormais partagées sur les communautés virtuelles consacrées, dont les membres sont souvent adolescents.
Tandis que Pascal Rousseau aborde la théorie de l’engendrement par l’image (Éric Michaud) et ses croyances qui remontent à l’antiquité, l’histoire finit par se mêler à mon auto-biographie, pendant que je plonge mes vêtements dans l’eau afin de les tendre sur une corde à linge, devenant support d’exposition. Cette série participe à la réapropriation de mon image et de ma narration, après avoir été modèle plusieurs années, comme un aboutissement de la réalisation de mon image. La série laissant ouverte la possibilité d’être poursuivie, La Lessive témoigne de mon adhésion à l’idée d’une transition continue plutôt que d’une détransition, n’adhérant ni au regret, ni à l’idée d’un retour.